Récits de Tiphaine
Authentiques récits d’accouchements : Tiphaine
Tiphaine, trentaine d’années, est mère de deux enfants, tous deux sont nés à la maison. Elle nous raconte ici les récits de ses deux accouchements à domicile.
Naissance de Chloé:
Au tout petit matin,vers quatre heures, j’ai perdu les eaux alors que mes amis dormaient à la maison. Et oui, ils étaient venus spécialement pour faire une séance photo de fin de grossesse.
Quelques heures plus tard, mon compagnon partait tranquillement au travail, car ce n’est pas parce qu’on perd les eaux qu’on accouche dans la minute ! Les contractions n’étaient pas douloureuses et peu régulières. J’ai quand même prévenu Anna, notre super sage-femme, par un petit texto.
Je profite de la présence de mes amis pour leur demander de m’accompagner faire les dernières petites courses avant le grand événement. J’ai besoin de noix, de fruits secs et de chocolat qui m’aideront à tenir pendant le travail, de l’énergie et du plaisir. À la maison, on ne se prive pas.
Le lendemain matin, surprise. Voilà notre sage-femme Anna vient sans prévenir à la maison : « Écoute ma belle, une fois que la poche des eaux est percée, on a 48h pour accoucher à la maison, après, il faut aller à l’hôpital pour éviter les risques infectieux. »
Mon sang ne fait qu’un tour : que peut-on faire pour ne pas en venir à cette solution ?
D’abord, elle m’explique que je dois prendre des antibiotiques. Même si je ne suis pas pro-antibiotique, j’ai confiance en Anna et accepte sans sourciller sa proposition. Ensuite, elle me fait un monitoring et devant l’absence de contractions, et voyant le bébé encore bien haut, Anna me conseille d’aller voir une acupunctrice qui indiquera au bébé le chemin à suivre.
Mon amoureux et futur heureux papa, a pris son vendredi pour rester auprès de moi. Anna a beau lui dire que ce n’est pas la peine, Vincent reste et c’est chouette car nous faisons tout plein de choses l’après-midi pour appeler les contractions. Après avoir activement cherché un acupuncteur spécialisé dans les femmes enceintes et qui soit près de la maison de retraite où se trouve ma maman, nous tombons sur l’acupunctrice de rêve : sage-femme également, et elle peut nous recevoir dans l’après-midi même ! Parfait. Nous ferons d’une pierre deux coups : l’acupunctrice et ma maman. L’acupunctrice, douce et bienveillante, a tracé un chemin pour le bébé et a appris à Vincent une technique de massage de pieds et mains à faire régulièrement, pour aider les contractions à venir. Ma maman, elle, m’a donné sa bénédiction avant le grand moment, en me touchant le ventre. Ainsi, j’étais prête pour accomplir ce qu’elle a fait pour moi il y a 29 ans.
De retour chez nous, Vincent arrange un peu la maison, puis cuisine un plat succulent de lentilles. De mon côté, je prépare un gâteau énergétique, me repose et sentant les contractions arriver, presse Vincent de servir le dîner. Délicieuses ces lentilles !
Vers 21h30, les contractions douloureuses arrivent. Au début, je demande à Vincent de me laisser tranquille afin que je les apprivoise seule. Il regarde donc une série en attendant mon appel. Il n’aura pas le temps de la terminer car les contractions sont si fortes que j’ai besoin de sa présence réconfortante, de ses massages, de son amour. Je suis en nage, et il m’attache les cheveux. Nous gérons ainsi tous les deux ce début de travail : Vincent installe des tapis sur le sol, monte le chauffage à 22° (une température élevée est importante pour se sentir bien et se détendre) et allume des bougies qu’il dispose un peu partout dans la maison. Un vrai temple pour accueillir notre bébé ! Au bout d’une heure à m’accompagner en douceur, Vincent se dit que c’est le moment d’appeler Anna. En lui décrivant la situation, Anna comprend que ce n’est que le début et le rassure. Il n’a qu’à me faire couler un bain très chaud et m’y accompagner pendant une heure. Cela me détendra. Et lui aussi sans doute. C’est pour lui aussi une grande première.
Quel soulagement lorsque je rentre mon orteil dans l’eau chaude ! Voyant que j’y suis bien, Vincent n’hésite pas à réapprovisionner mon bain d’eau chaude pendant deux heures. Ces deux heures restent inoubliables : faites de rires, et de gestes complices, nous nous créons notre bulle. Nul besoin de mots pour exprimer mes désirs, mon compagnon de vie les devance presque. Pour demander de l’eau, j’agite frénétiquement les mains. Et je les agite souvent car je bois après chaque contractions qui sont toutes les 4-5 minutes. Pour demander de l’eau chaude, je pointe de loin le robinet. Vincent est aux petits soins pour moi : comme mon ventre dépasse de l’eau, il l’arrose sans cesse, et c’est magique pour moi !
Nous sortons de la salle de bain et retournons dans le salon. Vincent rappelle encore deux fois notre sage-femme, avant que cette dernière décide que sa présence est requise. Il est 1h30 du matin quand Anna arrive chez nous. Vincent et moi sommes assis dos à dos près de la cheminée, il est comme aussi confortable qu’un coussin mémoire de formes (ou pour les connaisseurs, un coussin en balles d’épeautre). Anna rentre discrètement dans notre petit temple, et nous regarde admirative : qu’ils sont mignons tous les deux. Elle est ainsi notre sage-femme, elle a beau avoir vécu un millier de naissances, la voilà toujours aussi émue devant ces scènes intimes. Je commence à chanter des A et des O (je l’ai appris en chant pré-natal), et Anna aime bien, elle se dit que c’est bon signe pour l’accouchement.
Après s’être installée tranquillement, elle m’examine pour prendre la température : ce n’est pas pour tout de suite, mais c’est pour cette nuit !
– Vincent, offre moi un café ! La nuit n’est pas terminée !
Je les entends tous les deux deviser dans la cuisine pendant que je gère seule mes contractions, sur mon canapé. Intérieurement, je me dis qu’ils sont pénards eux !
Puis, ils me rejoignent et Anna me propose de nouvelles positions : elle m’installe des coussins sur un meuble afin de me constituer un appui pour effectuer des mouvements de bassin à la perpendiculaire. Je reviens ensuite sur les tapis, adossée à Vincent. Au bout d’une heure et demi, le travail a bien progressé, je suis éreintée, et Anna me repropose un deuxième bain. Alléluia !
Une petite heure plus tard, inutile de continuer, je suis à 9,5 et le bébé est coincé, il n’avancera pas plus car un léger « bec de lièvre » le retient. Je dois sortir du bain et aider mon bébé à franchir ce petit obstacle. Pour cela, je dois me pendre aux tringles situées sur notre lit, le ventre contre des coussins, pendant un temps qui me semble infini tant la position est inconfortable ! Quand je pense ne plus pouvoir poursuivre, je lui en fais part mais Anna m’encourage à y rester encore un peu.
Ça y est ! Je peux me retourner, le travail final va bientôt commencer. Elle me conseille d’aller aux toilettes pour la dernière fois. Je n’ai pas envie mais devant son insistance, j’y vais. Elle m’y accompagne et me serre les mains. La tête dans mes mains, j’entends un petit cri de surprise d’Anna, suivi d’un éclat de rires. C’est que Vincent, dans le noir du couloir, au lieu de me prodiguer ses caresses, les a offertes à Anna ! J’en ris encore… Cette dernière nous confit sur un ton rieur que ces caresses sont bien douces et attentionnées, et que j’ai de la chance !
Enfin, Anna m’annonce que c’est le travail final, le moment de l’expulsion. Je le sens mais comme c’est un premier, j’ai besoin d’en être assurée. Elle me demande de choisir la position idéale pour moi. Je suis tellement épuisée que c’est dans notre lit, le dos appuyé sur une montagne de coussins, que je choisis de mettre au monde notre enfant, notre premier enfant. Avec les meilleurs étriers au monde : Vincent en étrier gauche et Anna en étrier droit.
« Justement! Fais ce que ta mère a fait pour toi ! » me dit Anna lorsque je crie: « Maman! »
Vincent tient la lampe torche pour éclairer le passage du bébé à Anna, qui m’huile généreusement. L’un des moments clés de cette expulsion et dont je me souviens comme si j’y étais, est lorsque Anna demande à Vincent s’il tient le coup. Oui, il y a un peu de sang et surtout, la tête du bébé qui sort et rentre à chaque nouvelle contraction. Et lui de répondre sur un ton triomphal : OUI OUI SUPER !
-« Allez ma chérie, nous allons devenir une famille ! »
J’ai mal. Mais voir mon amoureux aussi heureux me donne des forces.
Ça y est ! « Cri de guerrière » comme dit Anna et la tête franchit le col !
Wahou !
« Allez, à la prochaine contraction, tu fais sortir les épaules ! » me lance Anna.
Quoi ??? Ce n’est donc pas fini !
Rires d’Anna et de Vincent.
À quatre heures quarante, notre petit bébé a débarqué en ce monde ! Après sept heures de travail.
Je suis bien sonnée et je ne réalise pas encore ce qui vient d’arriver. Vincent lui, est plus frais et accueille notre bébé de plein de mots de bienvenus et d’amour. Anna nous laisse un petit quart d’heure seuls à seuls avec notre bébé pour profiter pleinement de ces premiers instants magiques.
Lorsque Anna nous rejoint, elle nous demande le sexe du bébé. Mais nous n’avons pas vérifié, pour nous, ce n’était pas cela qui était important…
Roulement de tambours…
C’est une fille, et Vincent, mon nouveau compagnon papa, l’appelle déjà « ma petite ». Et un « ma petite » plein de tendresse.
Que de bonheur à l’horizon pour notre nouvelle petite famille !
Vincent et Anna ont été splendides. Ils ont su s’intégrer à ma bulle de femme en train d’accoucher. Ils m’ont soutenu, encouragé et fourni tout ce dont j’avais besoin au bon moment. C’est Vincent qui a recueilli Chloé dans ses mains à sa sortie, fier comme un pape « que même sans mes lunettes -je suis myope- je pouvais le voir ».
Vincent a ensuite délicatement posé notre petite sur mon ventre.
Ensuite, il faut passer aux choses sérieuses : Anna s’occupe de moi pour la délivrance et vérifie que tout va bien pour moi. Pas d’hémorragie, le placenta sort facilement et elle n’a que quelques points à me faire.
Pendant cet intermède médical, Chloé fait du peau à peau sur le torse de son papa. Un moment à tous les deux, entre un papa et sa petite fille.
Enfin ! Chloé fait sa première tétée. Elle engloutit aussitôt le téton, comme une chef ! Incroyable d’observer ce fameux réflexe de fouissement…
Les jours qui suivirent la naissance ont été denses, pour le papa en particulier. En effet, en plus de s’occuper de moi et de Chloé, de la maison, mon compagnon doit accomplir les démarches administrative et médicales : passer à la pharmacie, au labo d’analyse pour les analyses de sang de notre petite, aller reconnaître l’enfant à la mairie, se charger de l’assurer… sans oublier la boulangerie pour me ramener croissant et tarte à la framboise après ce grand effort !
En bref, un accouchement de rêve et une jolie et sereine Chloé.
Naissance de Angèle:
C’est dans la nuit de samedi à dimanche, le 15 avril à 23h19, que notre petite Angèle a fait le grand plongeon dans la vie ! Toute la famille est aux anges d’accueillir cette merveille.
Mais laissez-moi revenir sur cette naissance pleine de rebondissements.
Tout commence par une journée de câlins le vendredi : ma grande Chloé, couvant une maladie, sentant peut être l’arrivée d’une nouvelle vedette, ne m’a pas quittée de la journée. Nous avons pris un très long bain toutes les deux, puis enchaîné dans le lit. Entre câlins, somnolences et rires, Chloé me préparait sans le savoir la voie royale pour démarrer ce beau marathon. De légères contractions douloureuses ont commencé à poindre vers dix-sept heures. Comme vers vingt heures, elles commençaient à être un peu plus régulières, nous avons appelé notre amie voisine pour qu’elle se prépare à accueillir Chloé pour la nuit. Notre grande fille a été trop mignone, elle a mis son manteau seule, est venue m’embrasser et m’a souhaitée une bonne nuit, avant de partir avec son papa. Nous avions eu le temps de préparer de la pâte à crêpe dans l’après-midi, aussi, elle est partie avec un pot de pâte à se faire cuisiner pour le dessert. Royal.
Avec Vincent, nous prenons notre dîner tranquillement : au menu, un gratin qui tient au ventre. Nous prévenons ensuite Anna, notre sage-femme adorée, que ça mijote, comme elle dit. C’est moi qui l’appelle, en riant et elle comprend bien qu’il n’y a pas d’urgence. Cependant, une journaliste la suivant pour un documentaire reportage, et nous même étant « le couple élu » représentant l’accouchement à domicile, Anna décide de venir à la maison : même si elle repart aussitôt, au moins elle me rassurera. Peu de kilomètres nous séparent. Ce n’est donc pas un grand dérangement. Pendant ce temps, Vincent m’installe une ambiance tamisée dans la maison à grand renforts de bougies, de coussins un peu partout, de musique que j’ai préparée à l’avance et je me sens prête pour une belle méditation, une ode à la vie.
Nous avons accepté d’embarquer avec Anna dans cette aventure médiatique dans le but de semer des graines et parler positivement de l’accouchement à domicile Vous pourrez en avoir un aperçu sur la chaîne NT1 (Sage-femmes : au cœur du plus beau métier du monde). Cela ne vaut pas« Entre leurs mains » (que je vous conseille fortement au passage !) mais il a le mérite de montrer le professionnalisme d’une sage-femme d’expérience qu’est notre Anna.
Revenons à nos moutons.
Anna arrive presque une heure plus tard et à ma tête joviale, elle confirme que c’est seulement le début du travail. Le travail étant néanmoins entamé, elle décide de nous faire faire une promenade. Chouette ! La fameuse ballade à laquelle je n’avais pas eu droit pour Chloé. Munie d’une couverture et de mes deux acolytes, nous faisons une visite guidée du quartier à Anna. Entrecoupée de pauses-contractions toutes les 4, 5 minutes, la journaliste en profite pour faire de beaux plans. De notre côté, nous savourons ce moment où nous avons Anna pour nous seuls. En effet, nous avions eu le temps de tisser avec elle des liens privilégiés lors de ma première grossesse. Ma maman étant très malade à ce moment-là, elle avait voulu m’entourer d’une affection toute maternelle et cela nous avait rapproché. Nous lui racontons notre quartier, notre vie, notre famille. Le moment le plus drôle de cette promenade a été lorsque j’ai demandé à Anna de l’eau : la bouteille glissée dans sa poche tombe et elle s’exclame : « J’ai perdu les eaux ! » Bonne crise de rires et je sens que cela me détend. C’est bon le rire pendant les contractions.
À notre retour de marche, les contractions se font plus longues et Anna me donne un bouquet de muguet à respirer (les bonnes odeurs détendent également). Elle m’examine à nouveau, mon col s’est ouvert, elle a espoir que ce soit pour ce soir. Elle déballe alors toutes ses affaires de la voiture (elle a l’équivalent d’une maternité) avec l’aide de Vincent et de Sibylle -la journaliste. Elle répond par ailleurs à une mini-interview.
Pour ce deuxième accouchement, j’ai choisi d’accoucher dans la piscine. Allez, c’est le moment d’y entrer ! Comme le travail n’est pas tout à fait engagé, c’est quitte ou double, l’eau chaude accélère ou ralentit le travail, à voir ! Anna est joueuse ce soir !
Pas de bol, les contractions s’espacent et au bout d’une heure, rien n’a progressé ! Le bébé est encore haut. N’empêche, moi, j’ai bien profité de la piscine.
Anna nous enjoint d’aller nous reposer dans notre lit, nous ferons le point une heure après. Une heure après, pas de progrès et Anna tente une technique de sage-femme pour déclencher les contractions, mais si ce n’est pas le moment et que bébé veut « rester dans les jupes de maman », l’effet est nul ! « Serait-ce un garçon? » se demande Anna en son for intérieur, car comme blanc sur rouge, rien ne bouge !
Anna nous suggère alors de nous activer, on ne va pas y passer la nuit ! Mais nous avons beau faire notre maximum – le reste des fameuses crêpes, le vidage du lave-vaisselle, le linge…, les contractions ne reviennent pas. Cette fois-ci, Anna plie bagage (chose qu’elle aurait fait beaucoup plus tôt si la journaliste n’avait pas été là). Un peu confus de l’avoir prévenue pour « rien », nous lui offrons les crêpes pour son petit-déjeuner et regagnons notre lit. Ce n’est pas pour cette nuit.
La nuit n’est pas bonne pour moi car même si les contractions ne sont ni violentes ni trop fréquentes, elles m’empêchent de dormir. Le lendemain matin, nous nous offrons un bain matinal d’amoureux (il faut bien éprouver les techniques de grand-mère !) avant d’aller récupérer Chloé, qui a eu un gros pic de fièvre dans la nuit. Elle est contente de nous retrouver et elle est pleine d’attentions envers moi : « Maman bobo au ventre ? Ça va ? Maman bobo au dos ? Oui ? » lors des contractions. J’ai même eu droit à un massage sur le bas du dos de sa part… quels instants de grâce ! C’est pour ces instants-là que l’on fait des enfants ! Pour voir la beauté des êtres humains, leur empathie naturelle. Pour Anna, nous en ferons une future sage-femme ! La journée se passe sans heurts, entre deux contractions, je rempote mes pieds de tomates, mon basilic, et sème des graines de coriandre. Vincent veut que je lui montre des pas de farandole, mais malgré la volonté… non ! Je me contente de sautiller entre chaque pelleté de terre. Je prends un temps de repos également, pour recharger mes batteries. J’en aurai besoin si l’accouchement doit se faire ce soir ! Et cela tomberait bien car il est prévu de longue date que Chloé dorme chez une amie à elle ce soir.
Vers vingt heures, je sens que les contractions changent de régime. Enfin ! Vincent nous a concocté un bon plat de pâtes oignons champignons (avec l’astuce de papa qui consiste à déglacer les oignons au vin blanc, merci papa !), mais je n’ai déjà plus l’envie de manger. Les contractions s’intensifient ! Vincent re-remplit la piscine et cette fois-ci, je lui mets la pression de mettre l’eau à 38,5° car la veille, à 37°, cela ne m’a pas semblé assez chaud pour vraiment me détendre. Soucieux que soit propre, il met en route le lave-vaisselle au même moment. Quel homme parfait !
Mais c’était sans compter que l’eau chaude serait pompée par le lave-vaisselle !!! La piscine, pleine, est à seulement 32° ! Affolement de ma part. Mais, confiant et tranquille, Vincent m’assure de ne pas m’inquiéter, qu’il a largement le temps de rectifier le tir. Voyant mon inquiétude grandir, il finit par désemplir la piscine en même temps qu’il la reremplit d’eau bouillante pour aller plus vite. C’est bon ! Il doit être 21h30 et l’eau a atteint la température idéale de 38,5°. Il recouvre la piscine.
Mon compagnon ne se rend pas vraiment compte que mes contractions se font de plus en plus douloureuses et il prend la basse pour accompagner Alpha Blondy qui arrive dans ma playlist. En réalité, c’est pour moi que c’est l’accompagnement idéal, je me détends, et m’enfonce doucement dans ma bulle sur un rythme reggae. Vincent poursuit son élan bassiste en mettant un de nos albums préférés de Bob Marley. De mon côté, je suis roulée en boule sur le côté dans notre canapé, c’est pour moi la position la plus confortable, où j’ai le moins mal. Jusque là, je gère mes contractions.
Vincent insiste pour que je mange, je vais avoir besoin de forces ! Je me force donc pour avaler quelques cuillères. Mais les contractions sont de plus en plus longues, rapprochées et deviennent de plus en plus fortes. Je chante ma douleur, je chante pour accompagner les contractions, je chante pour aider mon bébé à descendre. Je suis à nouveau sur le canapé. Pour lui, les choses s’accélèrent : il est à mes côtés à chaque contractions, me découvre, me serre la main, me caresse, et me recouvre une fois la vague repartie. Entre temps, il court installer les bougies. Beaucoup de bougies. Pour la caméra. Les bougies éclairent suffisamment et diffusent une lumière douce, contrairement à une halogène par exemple. Les lumières fortes peuvent être source de stress et par conséquent nuisent au travail d’une femme en train d’accoucher.
Mon tendre Vincent se rend compte que le « vrai » travail arrive quand je lui crie dessus parce qu’il ne m’enlève pas la couverture assez vite ou qu’il ne la remet pas au bon moment. Être à la bonne température à ce moment-là me semble vital. Et en effet, avoir chaud entre les contractions est essentiel car cela permet de se détendre et de ce fait, de récupérer pour affronter la prochaine vague.
Je suggère à Vincent d’appeler notre sage-femme, mais il pense qu’il est encore trop tôt.
C’est à ce moment-là que je sens comme si le bébé descendait d’un coup. Quel choc ! Je ne me souviens pas de cette sensation lors de mon premier accouchement.
Je me précipite aux toilettes et là, au lieu de chanter ma douleur, j’ai envie de pousser, de hurler.
Mon chéri m’empresse de me calmer : « Tiens la note mon amour, tu ne libères pas l’énergie en criant. » Au fond de moi, il me semble que c’est le bébé qui approche mais le pragmatisme et l’assurance de Vincent me convainquent de pousser, pour déféquer. Pour lui, les contractions n’ont pas duré assez longtemps pour que ce soit déjà le bébé. Pendant que je pousse, je plains les pauvres gens constipés ! Au bout de quelques envies de pousser, je presse à nouveau Vincent d’appeler Anna.
« On ne la dérange pas tout de suite. Il est 11h, si ça se trouve elle dort, et on va l’empêcher de dormir pour le reste de la nuit. Rien ne presse encore ma chérie, tout va bien. » Bon…
« Non, mais là, appelle Anna je te dis ! »
– Bon, j’envoie un sms à la journaliste si tu veux.
Ok… (je bougrine en moi mais me dis que c’est mieux que rien.)
Nouvelle poussée, de plus en plus irrésistible.
Non, mais appelle Anna !!!
Oui, à la réflexion, Vincent se dit que de toute façon, la journaliste le dira immédiatement à la sage-femme, autant l’appeler directement. Je l’entends très calmement lui expliquer que les contractions sont maintenant beaucoup plus douloureuses et que je suis sur les toilettes. Il n’en faut pas plus à Anna pour lui mettre la puce à l’oreille, c’est mon deuxième et tout va beaucoup plus vite, c’est normal. Au ton de Vincent quand il dit « Anna arrive. », je comprends immédiatement qu’elle a saisi l’urgence de la situation. Ouf, je suis rassurée. Je commençais à me dire que j’allais accoucher sans sage-femme.
C’est le moment de rejoindre le canapé, et en me relevant, je doute de plus en plus de la version de Vincent, non, ce n’est pas possible, ce n’est pas juste une histoire de défécation ! Vincent me dit qu’Anna va certainement vouloir m’examiner sur le canapé. Mmh…j’aurais bien plongé dans la piscine moi ! Mais ne pipe mot. Commence alors un sprint’ des toilettes vers le canapé : me servant de mon amoureux comme d’un déambulateur, c’est parti ! Je n’arriverai pas au bout car une envie de pousser m’arrête près du but. Je finis néanmoins par regagner ma position favorite et c’est là que je perds les eaux, pour de vrai ! Je guette l’arrivée d’Anna avec impatience, entre deux poussées, ça y est, je suis sûre que je pousse ! Je dis à Vincent que je sens la tête qui arrive, il regarde mais ne voit rien. Il commence à y croire à la poussée mais n’en laisse rien paraître pour ne pas me stresser. Je pousse irrésistiblement. Anna n’est toujours pas là et j’envisage sérieusement de donner naissance à notre bout de chou sur ce canapé, sans elle et sans piscine. Entre chaque poussée, je demande si elle est là.
Enfin, Anna arrive !
Anna !!!
Elle toque quand même à la porte (que de politesse !!!!), rentre et à ma tête, elle voit que c’est le moment.
Branle bas de combat, Anna en véritable professionnelle, donne quelques ordres brefs et précis pour préparer la venue de notre bébé :
– « la journaliste, installe tes caméras vite, Vincent, sors la bâche, va chercher les caisses dans la voiture » pendant qu’elle me prend la main au moment d’une poussée. À la fin, elle me demande si je veux accoucher dans la piscine quand même.
Oui ! Elle m’aide pour l’atteindre.
Vincent, enlève la bâche ! Hop, en un tournemain, le futur papa s’exécute.
Et moi, telle une baleine manquant de grâce, je fais un gros plouf dans la piscine et là… surprise ! Il n’y a pas d’eau ! Enfin, si, mais à peine la moitié et mon gros ventre est à l’air. Heureusement, la température est parfaite et je ressens un soulagement idéal. Je dis à Vincent d’aller rajouter de l’eau mais Anna met son véto, car Vincent doit rester là, prendre une chaise, se mettre derrière moi, le bébé arrive, désormais, il n’attendra plus ! Je m’agrippe au cou de mon chéri et je suis prête pour une nouvelle poussée ! Poussée qui arrive vite.
Et c’est dans une ultime et interminable poussée que… ça y est, mon bébé est là ! Notre bébé est là ! Déjà ! Oh mon dieu ! Quel bonheur ! Qu’il est beau ce bébé ! Je le prends dans mes bras, je n’y crois toujours pas mais je sais que je vis avec Vincent un moment magique. Notre bébé est né !
La journaliste a pu tout filmer. Elle vient m’embrasser et me féliciter. Elle me dit qu’elle, de derrière ses caméras, elle n’aurait jamais cru voir arriver ce petit ange si vite, que j’ai été trop forte !
Nous ne restons pas longtemps dans l’eau car je tremble comme une feuille, j’ai besoin de couvertures. Après cet effort intense, je tremble de tous mes membres comme jamais je n’ai tremblé, j’ai froid et tente de me réchauffer sous une tonne de couverture. Notre petit ange est peau à peau avec son papa pour une superbe première rencontre.
Dans le feu de l’action, nous n’avons pas regardé l’heure de naissance mais Sibylle et ses caméras ont tout enregistré et… Angèle est née 4 minutes après l’installation des caméras !!! Wahou ! C’était moins une pour la journaliste ! En rigolant, je lui dis qu’elle n’aura pas de montage à faire pour l’accouchement car elle voulait y consacrer environ 4 minutes. Angèle est donc née le 15 avril, comme la deuxième fille d’Anna, sur un air de Bob Marley. Quelle harmonie…
Ont suivi des mots d’amour dits à Angèle pour lui souhaiter la bienvenue chez nous (Anna et Sibylle sont sortis à ce moment-là), puis les soins post-accouchement pour moi, la première pesée, la première tété. Vincent doit retourner auprès d’Anna qui lui explique les démarches qu’il devra faire dans les jours à venir et ils en profitent pour trinquer, au jus d’abricot, cette belle naissance.
Le lendemain matin, notre Chloé est rentrée à la maison. Lorsqu’elle a découvert Angèle, nous pouvions voir des étoiles dans ses yeux. Quel accueil elle lui a réservé… Wow !
Et voilà, l’histoire de notre accouchement est terminée.
Reste devant nous l’histoire de la vie à écrire et à écouter.
Récits écrits par Tiphaine et gracieusement transmis dans le cadre d’une enquête menée sur l’AAD, le janvier 2018, à Nantes.