Physiologie de l’accouchement
Un accouchement physiologique, c’est quoi ?
Maïtie Trélaun « J’accouche bientôt. Que faire de la douleur »
« La physiologie appliquée à l’obstétrique étudie les mécanismes physiques et chimiques fondamentaux de l’organisme permettant la reproduction, la gestation, l’enfantement et l’allaitement dans un contexte universel et transculturel. Donc l’étude de la physiologie en général, et de l’accouchement en particulier, est une science qui identifie les mécanismes fondamentaux de l’organisme tant physiques (mobilité du bassin, actions et interactions des muscles, rotation de mobile fœtal), que chimique (les hormones, leurs actions physiques et comportementales, leur interactions…) permettant l’enfantement. »
Le terme accouchement physiologique est utilisé pour parler d’un accouchement qui se déroule selon le processus naturel, sans intervention médicale (notamment déclenchement ou analgésie péridurale) ni complication.
Un accouchement physiologique a un déclenchement spontané entre 37 et 42 semaines de grossesse, avec une présentation du bébé en position céphalique (par la tête). Pendant l’accouchement, on observe une montée en puissance et un réflexe expulsif.
Importance de l’environnement
Dès le début du travail, suite à des jeux hormonaux, la femme sécrète de l’ocytocine dont les récepteurs sont l’utérus, le cerveau et les seins et un système d’auto-amplification de cette sécrétion d’ocytocine se met en place. Un cercle vertueux s’en suit : la sécrétion d’ocytocine entraîne une contraction et en parallèle une sécrétion d’endorphine. L’endorphine va permettre le lâcher-prise de la mère après la contraction, ce qui favorise la détente de son corps, l’ouverture du bassin et va permettre au bébé de mieux appuyer sur le col induisant une augmentation de la sécrétion d’ocytocine et ainsi de suite.
Pour que le cercle vertueux d’hormones s’installe, la femme doit se déconnecter de son néocortex (partie du cerveau qui gère le langage et le raisonnement) afin de se connecter à son cerveau reptilien (cerveau primitif qui gère les fonctions vitales, les besoins naturels et les comportements primitifs) et permettre l’expression de son instinct primaire, pouvoir se laisser guider instinctivement par son corps. En outre, l’ocytocine et l’endorphine sont sécrétées par hypothalamus qui se trouve dans le cerveau reptilien. L’accouchement est un processus involontaire (comme la respiration, les battements cardiaques, la digestion) qui est géré par cette partie du cerveau.
Néanmoins, la femme doit être dans de bonnes conditions pour pouvoir se déconnecter de son néo-cortex au profit de son cerveau reptilien, et permettre le jeu hormonal essentiel au bon déroulement d’un accouchement physiologique. Michel Odent vous l’explique en quelques mots :
« L’important quand une femme accouche c’est qu’elle soit protégée de toutes stimulations de son néocortex. » Michel Odent
« La situation à laquelle je pense c’est : personne autour de la femme qui accouche, une petite pièce sombre et chaude, personne si ce n’est une sage-femme expérimentée, silencieuse, assise dans un coin et qui tricote. » Michel Odent
Pour accoucher, la femme a donc besoin :
- de se sentir en sécurité, dans un environnement qui est rassurant pour elle : « une sage-femme expérimentée »
Très variable d’une femme à l’autre, par exemple certaines se sentiront en sécurité en milieu hospitalier, d’autres préféreront la douceur et l’intimité de leur foyer, l’essentiel étant que la femme détermine là où ELLE se sentira en sécurité.
- d’intimité : « une sage-femme[…]assise dans un coin »
Se sentir observée ou jugée empêche la déconnexion du néocortex, et donc l’accès au cerveau reptilien. La femme sera dans de meilleures conditions pour accoucher s’il y a peu de personnes autour d’elle et si ce sont des personnes familières et choisies en qui elle a totalement confiance.
- de chaleur : » une pièce […]chaude »
Lorsque l’on a froid on secrète de l’adrénaline qui inhibe la sécrétion et l’action de l’ocytocine.
- de pénombre : » une petite pièce sombre »
La lumière stimule le néocortex qui doit être le moins stimulé possible d’où l’importance de réduire l’intensité lumineuse.
- de silence, de ne pas avoir besoin de répondre à des sollicitations : « une sage-femme […]silencieuse »
Parler à la femme qui accouche, qui plus est de choses rationnelles, ou lui poser des questions impliquant qu’elle devra réfléchir pour y répondre, constitue une stimulation qui l’empêchera de se déconnecter de son néocortex.
- de calme :
La femme qui accouche doit être protégée de toutes formes de stress et doit être entourée de personnes sereines. En effet, la sécrétion d’adrénaline inhibe la sécrétion d’ocytocine et perturbe grandement le bon déroulement de l’accouchement, pouvant même empêcher la progression du travail. Or les états émotionnels se transmettent d’une personne à l’autre, notamment ceux générant une sécrétion d’adrénaline (inquiétude, stress, colère…). Du coup, s’il il y a à proximité de la femme qui accouche une personne sous tension qui libère de l’adrénaline, le taux d’adrénaline de la femme augmentera également, perturbant le jeu hormonal essentiel au bon déroulement de l’accouchement. Si pendant l’accouchement, une des personnes présentes auprès de la femme se sent tendue, il est préférable qu’il/elle s’accorde une pause et s’éloigne pour prendre soin de lui/elle, le temps que son état émotionnel s’apaise. Michel Odent évoque souvent dans ses conférences ou ses ouvrages l’image de la doula ou de la sage-femme qui tricote. Il explique qu’une action répétitive telle que le tricot a pour but d’abaisser le taux d’adrénaline.
Il est à noter également que le bruit du monitoring maintien également en état de veille le néocortex.
L’accouchement fait partie de la vie sexuelle de la femme et son bon déroulement est dépendant des mêmes facteurs qu’un rapport sexuel, ce qui est à mon sens très bien imagé par cette vidéo :
Petite anecdote personnelle, enfant, nous avions une chatte qui a eu une portée. Le jour où elle fut prête à mettre bas, elle alla s’installer au fond de mon armoire. En tant que petite fille, j’étais partagée entre l’excitation de cette mise bas et la contrariété qu’elle se soit mise dans mon armoire. Je me souviens que ma mère m’expliqua qu’il ne fallait surtout pas déranger la petite chatte car elle avait besoin de tranquillité et de se sentir en sécurité. Elle m’expliqua qu’elle avait choisi ce lieu car il était calme et dans l’obscurité, qu’elle devait s’y sentir en sécurité et que la déplacer serait néfaste pour sa mise-bas. Nous lui avons juste apporté des couvertures pour quelle s’y blottisse bien au chaud.
Ma mère m’a transmit par son expérience qu’il était essentiel de respecter les besoins fondamentaux de cette petite chatte sans avoir conscience que la femme a les mêmes besoins puisqu’ils sont communs à tous les mammifères. Vous trouverez ici un article très pertinent de Marie-Hélène Lahaye qui propose un éclairage sur les mises-bas animales et les accouchements.
Les différentes phases d’un accouchement physiologique
- Le pré-travail :
Sa durée varie beaucoup d’une femme à l’autre, de quelques instants à plusieurs jours. Le corps de la femme se prépare à se mettre en travail.
Cette phase est caractérisée par des contractions +/- régulières, +/- espacées, souvent relativement peu douloureuses et qui finissent par s’arrêter.
La femme sent que c’est différent des contractions qu’elle a pu avoir pendant la grossesse mais elle n’est pas dérangée dans son quotidien.
- Le démarrage
La femme doit désormais s’interrompre dans ses activités lors des contractions qui sont devenues plus intenses et régulières et trouver comment les accompagner. Elle doit aussi lâcher prise et entrer dans sa bulle pour que le travail puisse vraiment se lancer. C’est le temps qu’elle mettra pour lâcher prise qui déterminera la durée de cette phase.
- La montée en puissance
Désormais la femme est connectée à son instinct, son état de conscience est modifié, elle ne se conforme plus au politiquement correct. Un rituel est installé pour accompagner les contractions. Grâce à son instinct, elle alterne les positions pour aider le bébé à descendre, favoriser l’ouverture du bassin et accompagner la douleur.
Le processus s’accélère. Les contractions sont désormais très intenses, longues, rapprochées et régulières.
Le cycle vertueux des hormones est essentiel pour cette phase.
- La phase de désespérance
Le bébé appuie sur les muscles transverses du périnée, les sensations changent, ce qui déstabilise la femme et génère chez elle une brève phase de peur intense qui va induire une sécrétion d’adrénaline. Celle-ci stoppe les effets des endorphines qui apaisaient la mère afin de lui permettre de retrouver sa vivacité pour aider son bébé à traverser le périnée.
En parallèle, cela va induire une production de noradrénaline chez le bébé afin de le préparer à l’expulsion (hausse de sa tonicité, mobilisation des ressources, redistribution sanguine du cœur vers le cerveau et ralentissement du rythme cardiaque), et à l’adaptation à la vie extra-utérine (préparation des poumons, stimulation de la vue pour le 1er contact avec sa mère et de l’odorat pour chercher les seins).
Cette phase très courte annonce l’imminence de la phase d’expulsion.
- L’expulsion
Parfois, la mère peut accueillir cette phase avec un état d’excitation.
Les contractions sont de plus en plus rapprochées et longues, environ une minute de contraction toutes les deux minutes.
L’expulsion peut durer de quelques instants à plusieurs heures (même si cela reste rare). Il est fréquent que cette phase dure entre 30 minutes et 1 heure pour un premier accouchement, et un peu moins pour les suivants.
Au moment de l’expulsion, le bébé a passé le col de l’utérus et il travaille de façon active à s’extraire du corps de sa mère. Il franchit successivement les différents détroits du bassin de sa mère jusqu’à s’extraire de son vagin. Il est courant que la poche des eaux se rompt lors de cette phase.
Pendant cette phase, les poumons du bébé sont essorés, vidés du liquide amniotique qu’ils contenaient, pour permettre la respiration et il y a libération de surfactant permettant le déploiement des alvéoles lors de la première inspiration.
La femme ressent généralement un puissant et irrépressible besoin de pousser. Mais il arrive aussi parfois que ce réflexe soit plus modéré et que la femme puisse laisser le bébé cheminer par lui-même tout ou partie de la phase d’expulsion.
La femme peut adopter plusieurs comportements différents : elle peut crier et/ou accompagner en silence ; se sentir à bout de force ou très puissante. En suivant son instinct, elle peut adopter des positions variées pour aider la descente du bébé. On pourra donner comme exemple de position : à quatre pattes, accroupie, sur le côté, suspendue, debout…
- La naissance
Pendant les premières minutes qui suivent la naissance, un déversement d’hormones va favoriser l’attachement entre la mère et son bébé, notamment par l’échange du 1er regard, d’une intensité particulière. L’ocytocine et les endorphines sécrétées pendant la dilatation sont à l’origine d’une sécrétion de prolactine qui a un rôle majeur dans l’attachement, la capacité à materner et le démarrage de la lactation.
Le bébé va prendre sa première inspiration, généralement accompagnée par un cri, car le déploiement des alvéoles est inconfortable, mais pas toujours, certains bébés prenant cette inspiration dans le calme.
- La délivrance
Cette phase correspond à l’expulsion des annexes fœtales, c’est-à-dire, le placenta et les membranes. Elle se fait spontanément dans les 30 minutes suivant la naissance.
Après la naissance du bébé, l’utérus commence à se rétracter, son volume diminue et les contractions vont reprendre, avec ou sans douleur. Cela va provoquer le décollement du placenta qui va migrer vers le vagin puis être expulsé par quelques poussées de la femme. La femme peut ressentir le besoin de changer de position et/ou de pousser de nouveau.
Le décollement du placenta cause une rupture des vaisseaux qui permettaient les échanges entre l’utérus et le placenta ce qui va provoquer un saignement. Ce saignement va diminuer rapidement les premières heures et jours et plus progressivement ensuite pendant plusieurs semaines puis finira par s’arrêter progressivement grâce à l’hémostase et à la rétractation de l’utérus.
(Il y a une surveillance accrue de la femme dans les premières heures après l’accouchement à cause du risque d’hémorragie de la délivrance.)
Accouchement à domicile = accouchement physiologique ?
Il est important d’apporter une nuance et des précisions: qui dit accouchement à la maison, ne veut pas forcément dire accouchement physiologique. Il est fondamental d’élaborer un projet de naissance et d’en discuter avec la sage-femme afin de pouvoir exprimer ce que vous souhaitez ou ce que que vous ne souhaitez pas. De même, à l’inverse, un accouchement qui a lieu en structures peut tout à fait se dérouler dans le respect de la mère, de sa physiologie et du bébé.
C’est ce que rappelle Georgina qui a donné naissance de son troisième enfant en clinique, mais en posant ses conditions.
Écoutez :
Extraits tirés d’un entretien mené par Amandine Delord dans le cadre d’une enquête menée sur l’AAD, le 18-07-2017, à Crozon
La physiologie de l’accouchement est aussi illustrée avec talent par Lucile Gomez dans une BD animée très explicite et pleine d’humour qui explique l’importance des positions et quel peut être le soutient de la sage-femme lors d’un accouchement physiologique.