Que se passe-t-il en cas d’urgence ?
De la même manière que le sentiment de sécurité est primordial pour un accouchement à domicile serein et une libération hormonale adaptée, la notion d’urgence est très présente dans les questionnements autour de cette aventure.
« Que faire si le cœur du bébé ne bat plus ? », « Comment ça se passe si la mère fait une hémorragie ? », « Et si le bébé ne respire plus ou a besoin de soins ? », « Et si il est coincé ? » etc.
Ces questionnements sont normaux, ils vous permettent de sécuriser l’espace et le champ des possibles. Si vous avez des questions, n’hésitez pas à les poser à votre sage-femme qui saura vous répondre pour vous mettre en confiance.
Tout d’abord, il est important de savoir que les femmes qui ont accouché à domicile ont un taux d’interventions médicales bien plus bas que celles qui ont accouché en structure. L’article Cochrane (ici) qui compare les accouchements à domicile et les accouchements hospitaliers indique que la balance ne penche pas vers l’un ou l’autre, en cas de grossesse à bas risque. Cependant, il précise que « Il semble de plus en plus évident que l’impatience et l’accès facile à de nombreuses procédures médicales à l’hôpital peuvent conduire à une augmentation des niveaux d’intervention qui, à leur tour, peuvent conduire à de nouvelles interventions et, enfin, à des complications inutiles. Lors d’un accouchement planifié à domicile, assisté par une sage-femme expérimentée avec la collaboration d’un soutien médical au cas où le transfert serait nécessaire, ces inconvénients sont évités tout en conservant le bénéfice de l’accès à une intervention médicale lorsque cela est nécessaire. Des études observationnelles de plus en plus fiables suggèrent que l’accouchement planifié à l’hôpital n’est pas plus sûr que l’accouchement planifié à domicile assisté par une sage-femme expérimentée avec la collaboration d’un soutien médical, mais peut conduire à un plus grand nombre d’interventions et à davantage de complications. ». Quand une intervention médicale (ou un traitement) déclenche des nouveaux symptômes (différents de ce pour quoi on l’utilise), on parle d’effet iatrogène.
Dans le cas d’un accouchement à domicile, il y a peu d’effets iatrogènes, dans la mesure où les interventions de la sage-femme, si interventions il y a, ne sont pas régies par un protocole standardisé, comme dans le milieu hospitalier. Bien entendu, la sage-femme s’assure que le déroulement de l’accouchement soit fluide et physiologique. Elle peut intervenir si besoin, de manière pertinente et non systématique, elle ne va pas accélérer le travail, par exemple, s’il n’y en a pas l’utilité. La temporalité de la future maman est respectée.
Dans les émissions, documentaires ou films actuels, l’image de l’urgence au moment de la naissance rejoint tout à fait le mythe de l’accouchement qui dérape en quelques secondes dont parle Marie-Hélène Lahaye dans cet article.
Elle précise :
Lors d’un accouchement à domicile, les praticiens s’adaptent à la femme. Lors d’un accouchement à l’hôpital, c’est la femme qui s’adapte aux praticiens.
En effet, la plupart du temps, un accouchement dont le rythme est respecté pour une grossesse à bas risque ne dérape pas en quelques secondes en une zone de chaos où la vie de la mère et de l’enfant sont en extrême danger. Il y a des signes d’alerte que la sage-femme, professionnelle de la physiologie sait déceler. Et, au moindre doute, la sage-femme peut effectuer un transfert en toute sécurité et non dans la panique, dans la structure choisie. Aussi, elle dispose d’un matériel pour effectuer de nombreux gestes, notamment les gestes de premier secours (entre autre : ballon et masque à oxygène (peut donc effectuer une réanimation néonatale), oxygène, syntocinon (ocytocine de synthèse), kit de perfusion et kit pour recoudre la maman en cas de déchirure, le nécessaire pour faire un bilan sanguin etc.), mais surtout : elle est présente avec la femme tout au long du travail, et est donc beaucoup plus encline à repérer les signes de changements, même s’ils sont très fins, puisqu’elle est dans une observation et une attention continue, ce qui n’est pas le cas en structure, où il a souvent une sage-femme pour plusieurs femmes qui accouchent, et qu’elles n’ont pas toujours le temps de rester de manière continue avec chaque femme.
Voici quelques situations qui peuvent réveiller de la peur et que nous pouvons tenter de déconstruire ensemble :
- L’hémorragie de la délivrance : Une femme ne va pas se mettre à saigner comme un robinet ouvert soudainement. Les hémorragies graves sont souvent causées par des injections à répétition d’ocytocine de synthèse pendant le travail (pour accélérer les contractions). Cette étude de l’INSERM rapportée par le CIANE (Collectif Inter-associatif Autour de la NaissancE) indique que « Le risque d’hémorragie du post-partum grave est pratiquement doublé en cas d’administration d’ocytocine (x1,8), il est de surcroît proportionnel à la quantité administrée : quintuplé (x5,7) pour les plus hautes doses, c’est à dire celle observées dans 10% des accouchements avec ocytocine. ». Le risque est donc beaucoup moins fréquent en cas d’accouchement à domicile, puisque normalement, il n’y a pas d’injection d’ocytocine pendant le travail. Quoi qu’il en soit, la sage-femme dispose de cette hormone de synthèse pour l’utiliser à bon escient (par exemple pour aider les contractions à extraire le placenta d’un utérus un peu fatigué, après la naissance de l’enfant).
- Le bébé est en souffrance pendant le travail : Au cours de l’accouchement, le rythme cardiaque du bébé décélère puis reprend son rythme. Cette chute dans la fréquence cardiaque est normale : les contractions compriment le bébé et son rythme cardiaque ralenti. Il y a un risque avéré quand le cœur du bébé a du mal à repartir, à reprendre son rythme habituel. Et cette difficulté de reprise est décelable rapidement par les sages-femmes. Elles peuvent organiser un transfert au moindre doute dans l’écoute du cœur du bébé. Il est à rajouter que des souffrances fœtales plus soudaines peuvent apparaître dans le cas d’injections durant le travail, notamment d’ocytocine de synthèse, qui provoque un rythme de contractions beaucoup plus intense et qui n’est pas naturel du tout. Le bébé n’a pas le temps de s’adapter et son rythme cardiaque peut chuter de manière brusque, ce qui est rarement le cas à domicile puisqu’il n’y a pas d’injection d’ocytocine au cours du travail.
- Mauvaise présentation du bébé / bébé qui ne parvient pas à s’engager : Si le bébé se présente par la face ou s’il ne parvient pas à s’engager malgré les mouvements de la maman et qu’il commence à fatiguer, un transfert est effectué. A noter qu’en structure, la femme est souvent allongée sur le dos sur la table d’accouchement, et que l’immobilité de sa situation permet plus difficilement au bébé de trouver le bon angle pour entrer dans le bassin. A domicile, les mouvements sont favorisés et privilégiés. D’instinct, la femme sait se mettre des les positions qui vont faire descendre son bébé petit à petit dans son bassin. La sage-femme peut aussi lui indiquer des mouvements et des ouvertures.
- Le bébé a le cordon autour du cou : Plus de 20% des enfants naissent avec le cordon autour du cou. Ce n’est pas une urgence. Ça l’est quand le cordon est comprimé par la pression des contractions et surtout quand il est trop serré ou trop court. Si la tête de l’enfant est sortie, la sage-femme peut délicatement le dénouer. Dans le cas contraire, des décélérations du rythme cardiaque de l’enfant se font remarquer plus tôt dans le travail, et il est possible d’organiser un transfert dans de bonnes conditions.
Les sages-femmes pratiquant des accouchements à domicile n’attendent pas que les situations soient graves pour organiser les transferts. Les transferts sont le plus souvent effectués dans la voiture du couple (penser à prévoir le plein d’essence !).
Vous pourrez toujours choisir, pour n’importe quelle raison, d’être transférée. Vous avez peur ? Vous avez trop mal et souhaitez une péridurale ? Vous vous sentiriez mieux en structure ? Vous pouvez changer d’avis à chaque instant.
Pour aller plus loin, voici différents articles pour étayer votre lecture :
La sécurité de l’accouchement à domicile vue par une sage-femme en Suisse.
Accoucher n’est pas un acte médical.
Si je n’avais pas accouché à l’hôpital, je serais morte et mon bébé aussi.
Article Cochrane sur les bénéfices du suivi global et ses effets sur la naissance.